Effet de halo
Par Nils
- 4 minutes de lecture - 747 motsJe mets enfin des mots sur une sensation que j’avais et que je m’exerçais à combattre lors de mes dernières formations et animations d’ateliers.
Effet de halo
Qu’est-ce que l’effet de halo ?
Je vous propose de commencer par un exemple, un exemple issu de Thinking, fast and slow de Daniel Kahneman (Traduit en français par Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée) :
“ALAN : intelligent - travailleur - impulsif - critique - opiniâtre - jaloux” Arrêtons-nous quelques instants et posons-nous la question “Que pensons-nous d’Alan ?”
Continuons avec un autre exemple :
“BEN : jaloux - opiniâtre - critique - impulsif - travailleur - intelligent”
Posons-nous la même question que précédemment “Que pensons-nous de Ben ?”
La plupart d’entre nous aura une opinion plus favorable d’Alan que de Ben, mais les mots sont les mêmes ! C’est ça l’effet de halo. Il “accroît le poids des premières impressions, parfois à un point tel que les informations suivantes sont pour l’essentiel perdues”. (D. Kahneman dans Thinking, fast and slow)
Ce qui fascinant, c’est aussi à quelque point les mots vont être connotés en fonction de leur place. Prenons le mot “intelligent”, dans le cas d’Alan, on se dit “Chouette, il est intelligent et travailleur.”, son opiniâtreté sera vue positivement comme un preuve de sérieux.
Mais dans le cas de Ben son intelligence pourra être vue comme dangereuse car associée au premier mot qui est “jaloux”. C’est un biais, le premier mot a plus de poids, il oriente la pensée.
Dans notre vie de tous les jours
Comment cela s’exprime dans la vie de tous les jours d’un coach, d’un scrum master, d’un dev, d’un product owner, d’un product designer, … ?
Un exemple. En rétro, vous faites sans doute comme moi : chacun dispose d’un temps pour écrire ses post-its. A ce moment, vous luttez contre l’effet de halo. Vous donnez l’opportunité à chacun de poser ses idées de façon indépendante. Indépendante des autres.
Un autre exemple. Dans le groupe des coaches benext, nous faisons ce que nous appelons de l’intervision, de la résolution de probèmes en groupe. Nous avons deux modes, nous les appelons “sale” et “propre”.
Le “sale”, c’est une seule personne qui parle à la fois (et encore pas toujours), mais tout le monde peut rebondir quand il le souhaite. Les réactions sont mêlées aux questions, aux solutions. Effet de halo garanti. Il sera difficile de se défaire de ce qui a été dit dans les premiers instants, les rebonds successifs ont sans doute été influencés par les premiers mots, la première idée.
Le “propre” : un instant de réflexion individuelle, suivi d’un tour de questions, à tour de rôle, pour clarifier, chacun peut s’exprimer, s’ensuit un tour de réactions, puis un tour de “As-tu pensé à … ?”, nous finissons souvent par un tour de “Si j’étais toi, je ferai…”. L’instant de réflexion du début tend à lutter contre cet effet. C’est plus posé, plus prospice à la réflexion individuelle mais nous entendons tout de même les questions, propositions des autres. L’indépendance de réflexion n’existe pas mais est plus présente que dans le mode “sale”.
Des pistes pour faire mieux sur cet axe : proposer un temps de réfléxion entre chaque étape ? Ecrire nos réactions ? Nos questions ?
Daniel Kahneman écrit à propos des réunions qui occupent une bonne partie de nos journées de travail : “Une règle simple peut s’avérer utile : avant qu’un sujet soit abordé, il faudrait demander à tous les membres de l’assistance de rédiger un bref résumé de leur avis sur le sujet. Cette procédure permet d’utilier à bon escient la diversité des connaissances et des opinions du groupe.”
Et maintenant ?
Toujours Daniel Kahneman, il écrit : “il y a un siècle que la psychologie utilise ce terme, mais il n’est pas passé dans le langage courant. C’est regrettable, parce que c’est un nom qui convient tout à fait à un biais commun qui joue un grand rôle dans notre vision des gens et des situations.”
Cet article est ma part de colibri. Maintenant que ma sensation est éclaircie par de la théorie, je vais essayer que mes pratiques évoluent tant en qualité qu’en quantité sur ce plan.
Et pour conclure, je vous laisse avec une dernière phrase de D. Kahneman : “la pratique courante de la discussion ouverte donne trop de poids à ceux qui parlent parmi les premiers avec une grande assurance, obligeant les autres à s’aligner sur eux.”